Le grandiose Col des Nuages

Le col des nuagesLa route transvietnamienne s’étire de Lang Son jusqu’à Cà Mau. À mi-parcours, elle franchit un site naturel du Centre de toute beauté : le Col des Nuages. Au XVIIe siècle, le seigneur Nguyên Hoàng estimait déjà que le Col des Nuages occupait une position stratégique excessivement importante. En effet, dans la région limitrophe de Thuân Hóa et de la province de Quang Nam, une chaîne de montagnes issue de la grande Cordillère indochinoise s’avance vers la mer Orientale et se termine par son plus haut sommet, de 1.172 m d’altitude, dont le pied repose dans la mer bleue et le faîte se confond avec les couches des nuages blancs : c’est le mont Hai Vân.

Il existe dans la chaîne de montagnes Hai Vân, le Nui Liên, encore appelé Nui Sen (Mont de Lotus), et le Nui Sang, toujours appelé Nui Sân. Auparavant, du temps des seigneurs Nguyên, le-chemin-de-mille-lieues menant de Thuân Hóa à Quang Nam franchissait les Nui Liên et Nui Sân, où les voyageurs de passage pouvaient se restaurer, passer la nuit dans les auberges. Les bouillons servaient aussi de rendez-vous aux marchands et aux amoureux.

Le-chemin-de-mille-lieues traversant le mont Hai Vân demandait trois jours de marche. Par la suite, le roi Minh Mang a donné une autre appellation, Thach Linh Son aux monts Nui Sen et Nui Sân. Sous le règne de Thành Thái, les Français ont percé ce mont à plusieurs endroits pour en faire des tunnels, dont le plus renommé fut le tunnel de Lotus ou Hâm Sen, d’une longueur de 562m, où étaient disposés des rails de chemin de fer.

Le-chemin-de-mille-lieues traversant le Col des Nuages, abrupt et dangereux, a été encaissé entre les falaises aux pentes tombées à pic et les grands gouffres. Il est sinueux, brisé. Les montées et descentes se succédaient sans fin et de nombreux passages se perdaient dans les nuages. C’était pour cette raison que le Col de Hai Vân a été baptisé par les Français: “Col des Nuages“.

Au nord-est du mont Hai Vân, durant des millénaires, les vagues de l’océan, qui déferlaient à ses pieds, y ont creusé profondément la pierre, pour en former une large caverne. Elle est nommée Hang Doi, ou Caverne des chauves-souris. Ici, les lames de la mer sont hautes et violentes. Ainsi, jadis, l’itinéraire menant de la capitale Phú Xuân au territoire de Quang Nam n’était que difficilement praticable.

Au large, au nord-est de Hai Vân, c’est la rade de Trà Son, encore appelée Dông Long Loan. En 1471, le roi Lê Thánh Tôn et son armada royale, alors sur le chemin de pacification du Champa, ont fait une halte dans cette rade.

Le mont Hai Vân, tel un écran naturel, barrait le chemin de relais des coolies reliant Thuân Hóa à Quang Nam. Ainsi, on lui faisait porter le nom populaire de Nui Ai, Mont du Défilé. Le poète Ky Xuyên Nguyên Thông, du temps du roi Tu Duc, a écrit :

” Les falaises se dressent à la porte-frontière formant un rempart accidenté,

Le vent agite les nues qui se répandent en brume… “

Emerveillé par la somptuosité de Hai Vân, le célèbre écrivain Nguyên Tuân a aussi improvisé les vers suivants :

“À l’estuaire, surplombe un haut bloc montagneux

Où la fumée et les nues se marient dans l’espace “

Le-chemin-de-mille-lieues serpente tortueusement, par des marches de pierre raboteuses où la végétation est luxuriante et se mêle aux roches… Le matin, les nuages assombrissent le ciel pour se dissiper au coucher du soleil. Le soir, la brume engourdit les passagers de froid.

Le roi Minh Mang (1820-1842) a fait bâtir une fortification pour la protection du Col et du chemin de relais. En 1826, sur cette porte-frontière du nord, était attaché un grand panneau avec trois grands caractères chinois qui signifiaient : “Porte-frontière de Hai Vân”, et la porte-frontière du sud portait six autres imposants caractères chinois:

“La porte-frontière la plus grandiose sous les cieux de ce monde”.

Sous l’injure du temps, il n’en reste, de nos jours de l’ancienne porte-frontière, que quelques marches de pierre. Celle du nord demeure en revanche intacte.

Témoins d’exploits glorieux

Le chemin unique franchissant le Col de Hai Vân, construit par les Français au cours de la première période de colonisation du Vietnam (1887-1918), était témoin de valeureux exploits des forces armées populaires vietnamiennes durant les deux résistances pour le salut national.

” Hai Vân, dont le sommet touche les nuages

Est la tombe de tous les soldats ennemis qui osent s’y aventurer ! “

La chanson “Hai Vân, la forêt verte dans les nuages” décrit les prouesses du Régiment 108 de la garde nationale vietnamienne qui a battu tout un régiment motorisé français au pied du pont Roger, situé au nord du Col, lors de la campagne militaire de Printemps-Eté 1947.

Lors de la campagne du Têt Mâu Thân 1968, les commandos de l’armée de libération nationale du Vietnam ont lancé à l’improviste une attaque contre un bataillon américain de missiles et celui de soldats des forces fantoches, réalisant un illustre fait d’armes sur le Col Hai Vân.

Maintenant, les montagnes longeant la route traversant le Col des Nuages sont tapissées de centaines d’hectares de pins caraïbes et d’eucalyptus luxuriants, rendant l’environnement et le spectacle de ce site plus sain et plus beau.

“J’avoue sincèrement qu’au début, lorsque ma voiture empruntait le Col sur cette route étroite et sinueuse, montant et descendant continuellement au bord de gouffres profonds, j’ai eu peur! Puis, je me suis repris et me suis absorbé dans la contemplation du paysage.

Jusqu’à maintenant, je me rappelle dans le moindre détail du hameau paisible de pêcheurs à l’ombre des cocotiers sur une bande de sable au pied du Col, de l’océan calme et bleu au lointain ; des chutes d’eau à écumes blanches tombant des parois des montagnes. Et ensuite, ma voiture a glissé au milieu des flocons légers de nuages blancs… Le paysage du chemin du Col de Hai Vân est plein d’attraits. C’est merveilleux !”, s’exclame un touriste français.

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