Ðuong Lâm, un village hors du temps

Village de Duong LamSitué à 50 km à l’ouest du centre-ville de Hanoi, Ðuong Lâm est un riche morceau du patrimoine bâti du delta du fleuve Rouge. Un village tranquille, qui semble figé dans le temps, où convergent artistes, chercheurs, touristes et amateurs de vieilles pierres.

En mars 2009, un symposium international sur le village de Ðuong Lâm, classé en 2005 vestige historique et architectural national, s’est tenu à Hanoi, avec la participation de nombreux scientifiques vietnamiens et japonais. Cet ancien village typique de la plaine du Nord a aussi attiré l’attention de chercheurs de l’Université de Showa (Japon), qui se sont penchés sur un autre aspect de cette localité : les traditions vestimentaires. Un site pittoresque qui vaut vraiment le détour.

Plongée dans le Vietnam ancien

Ðuong Lâm est un trésor architectural hérité, comme par miracle pourrait-on dire, des ancêtres. Un paysage purement campagnard, avec des maisons, temples, puits, murs… vieux de plusieurs centaines d’années. À l’entrée du village, se dresse un colossal banian de 300 ans à l’imposant houppier. Une allée dallée de briques rouges mène au village, avant de se ramifier, longeant les murs de briques ou de pierres en “ruches d’abeilles”. “L’usage de cette pierre volcanique explique pourquoi Ðuong Lâm a un patrimoine aussi riche”, explique la patronne d’une “gargote” de thé. Habituée aux touristes, elle leur propose de faire une halte à l’ombre d’un vieil arbre pour se désaltérer. Lestement, elle verse du thé vert dans des bols de terre cuite posés sur une petite table en bambou. “À Ðuong Lâm, je dois être la personne la plus photographiée”, lance-t-elle avec un sourire dans lequel on perçoit sans difficulté l’amitié et l’hospitalité propres aux campagnards vietnamiens.

Village de Duong LamÀ la différence des habitations urbaines dont la porte d’entrée est largement ouverte sur la rue, les maisons à Ðuong Lâm se dissimulent derrière des murs. On pénètre dans la cour intérieure par un portique voûté. La maison principale, l’annexe et la cuisine sont toutes en briques rouges et recouvertes de tuiles. La plupart des maisons de Ðuong Lâm ont gardé leur cachet d’antan, même si pointent ici et là des bâtisses modernes en béton. Et sur le millier de maisons anciennes recensées, plus de 300 ont plus d’un siècle. La plus vieille est celle de Hà Huu Thê : près de 4 siècles. Devenu depuis peu une curiosité locale, l’édifice fait l’objet d’un soin particulier de la part de son propriétaire, qui cherche à préserver intacts murs, colonnes, toits, cour… “C’est une habitation fraîche en été et tiède en hiver”, remarque-t-il. Mais sa valeur est surtout spirituelle : “C’est là que sont nés et morts nombre de mes ancêtres”, poursuit-il.

Un inépuisable sujet de recherche

Au cœur du village se dresse, monumentale, la maison communale (dình en vietnamien), où l’on vénère le génie tutélaire du village, et où se tiennent tous les événements politiques, culturels et religieux de la communauté. La maison communale de Mông Phu (nom d’un des 5 anciens villages qui ont fusionné pour devenir Ðuong Lâm) vaut le détour. Érigée au 18e siècle, elle est restée presque intacte. De là, rayonnent en étoile 6 allées, disposées de telle manière que l’on n’a jamais à tourner irrespectueusement le dos au monument.

Autres monuments admirables de Ðuong Lâm : la pagode Mía. Construite au 12e siècle, elle abrite 287 statues en bronze, bois et terre cuite. Il y a aussi 2 anciens temples, l’un dédié au roi Phùng Hung (761-802) et l’autre au roi Ngô Quyên (899-944). Les villageois de Ðuong Lâm conservent jalousement des stèles en pierre et des milliers de pages de documents en hán (écriture chinoise) et en nôm (écriture démotique), relatant l’histoire des héros nationaux vénérés dans la pagode et les temples, le registre généalogique des familles et les règlements du village sur les activités communautaires de jadis. Le tout constitue un patrimoine inestimable qui fait de Ðuong Lâm le sujet d’intérêt d’innombrables historiens, hommes de culture, architectes, étudiants des beaux-arts et de simples curieux.

Des vêtements précieusement conservés

Des chercheurs japonais ont révélé un autre charme de Ðuong Lâm : l’art vestimentaire, typique des Viêt de la plaine du fleuve Rouge. Plusieurs familles locales préservent encore des habits d’autrefois. Chemises sans col, vestes courtes, tuniques à 4 pans, pantalons à larges jambes, vestes ouatées, fanchons, couvre-seins, ceintures en étoffe… autant de traits caractéristiques de la paysanne d’autrefois. “Les habitants de Ðuong Lâm produisaient eux-mêmes leurs habits. Ils tissaient les étoffes, les teignaient en brun et en noir grâce aux racines et tubercules de l’igname, ou à la boue des étangs… Souvent, les vêtements étaient confectionnés à la main”, explique Hà Huu Thê. Pourtant, selon lui, ces vieux habits sont rares aujourd’hui car la tradition veut qu’ils soient enterrés avec leur propriétaire, pour que celui-ci ait de quoi “se changer dans l’autre monde”. Pour le professeur Tanii Yoshiko, chef du groupe de chercheurs japonais, il est urgent d’étudier et préserver tout ce qui se rapporte à la valeur immatérielle de Ðuong Lâm. “Hormis ses trésors matériels, l’art vestimentaire de Duong Lâm contribuera à compléter le tableau patrimonial de ce vieux village typique de la plaine du Nord”, fait remarquer Tanii Yoshiko. Le Japon a promis d’accorder une assistance financière et technique au village au cours des 6 prochaines années. “L’important, selon le professeur Tanii Yoshiko, c’est que les habitants aient envie de protéger leur patrimoine, qu’on ne leur impose rien”. Un pari difficile car, avec l’amélioration des conditions de vie, la tentation est grande de raser la vieille bâtisse pour construire une maison moderne, confortable, de 2 ou 3 étages. Les quelques “verrues” dans le paysage en sont la preuve.

Selon Hà Huu Thê, “cette tendance était forte il y a 3 ans. Mais maintenant, beaucoup de familles qui auraient les moyens de construire à neuf décident de leur propre chef de garder leur vieille maison en l’état. Elles ont tout simplement pris conscience de sa valeur culturelle sans prix et de ses potentialités touristiques”. Si cet état d’esprit perdure, il a fort à parier que Ðuong Lâm continuera encore longtemps à drainer touristes, chercheurs et artistes…

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